À l’occasion de la fête de leur fondateur, les eudistes se réunissent, samedi 19 août, à Douvres-la-Délivrande (Calvados), lors de la fête du couronnement de la Vierge noire.
Ce saint normand du XVIIe siècle, figure majeure de l’école française de spiritualité, pourrait bien devenir un jour « docteur de l’Église »
Les fêtes du couronnement de la Vierge noire sont un événement traditionnel majeur à Douvres-la-Délivrande (Calvados) : chaque année depuis l’achèvement de la basilique en 1872, la Vierge noire de Notre-Dame de la Délivrande est vêtue de ses atours les plus somptueux pour une procession dans les rues de la ville.
Cette année, la fête du couronnement de la Vierge noire coïncide avec la saint Jean Eudes (19 août), fondateur de la congrégation des eudistes, qui s’occupent du sanctuaire marial depuis plusieurs décennies. Mais, pour les eudistes, l’année 2017 a surtout été marquée par l’avancée de la cause du doctorat de saint Jean Eudes, qui pourrait bien devenir dans quelques années le premier docteur de l’Église représentant l’école française de spiritualité.
Saint Jean Eudes : de la canonisation au doctorat ?
Canonisé en 1925, saint Jean Eudes (1601-1680) fut principalement un prédicateur et un réformateur : toute sa vie durant, il sillonna le diocèse de Coutances pour rallumer la foi des paroissiens et œuvra pour l’amélioration de la formation des prêtres. Il a donc laissé une œuvre abondante et, très vite après sa canonisation, il y eut des démarches pour élever saint Jean Eudes au rang de docteur de l’Église : ce titre est en effet accordé par l’Église aux saintes et aux saints dont l’enseignement constitue une richesse pour la vie des baptisés (ils sont actuellement trente-cinq).
En raison de la Seconde Guerre mondiale, puis du concile Vatican II, la cause du doctorat de Jean Eudes fut abandonnée, mais en janvier 2012, l’Assemblée générale des eudistes a demandé que la question du doctorat de saint Jean Eudes soit ouverte de nouveau. En 2014 et en 2015, différentes conférences épiscopales (France, Mexique, Venezuela, Équateur, Bénin, Honduras et Colombie) ont apporté leur soutien à cette cause et, en décembre 2016, le pape François a rencontré Mgr Luc Crépy (lui-même eudiste et évêque du Puy-en-Velay), le Père Camilo Bernal Hadad (supérieur général des eudistes à l’époque) et la sœur Marie-Françoise Le Brizaut (provinciale de France de l’ordre de Notre-Dame de Charité, également créé par Jean Eudes).
La dernière étape a été le dépôt des treize volumes des œuvres complètes auprès de la Congrégation des causes des saints, au mois d’avril 2017. Tous les textes de Jean Eudes seront lus séparément par trois théologiens qui rendront, dans deux ans, un avis décisif : s’il est favorable, il faudra encore constituer quelques dossiers mais il serait alors très probable que saint Jean Eudes soit déclaré docteur de l’Église.
Contacté par La Croix, le Père Jean-Michel Amouriaux, nouveau supérieur général de la congrégation, qui présidera la messe du 19 août, explique l’importance de la cause du doctorat de saint Jean Eudes : « Il est important que l’École française de spiritualité ait un docteur ; et comme les autres grandes figures ne peuvent pas l’être car elles ne sont pas saintes (Pierre de Bérulle) ou n’ont rien écrit (Saint Vincent de Paul), il ne peut s’agir que de saint Jean Eudes. » Profondément inscrite dans l’École française de spiritualité, qui désigne le courant français issu de la Réforme catholique au XVIIe siècle, la doctrine de Jean Eudes est en effet très riche et très spécifique.
La spiritualité eudiste en trois points
D’après le Père Jean-Michel Amouriaux, l’enseignement de Jean Eudes est une école de vie chrétienne qui développe une spiritualité du cœur et souligne l’importance de la vocation du prêtre.
Une école de vie chrétienne : elle vise « l’union intense à la personne de Jésus ressuscité qui continue sa vie dans celle des chrétiens ». C’est une « conception mystique de la vie chrétienne pour tous à partir du baptême » et « toute la pédagogie eudiste se développe à partir de là. » Le supérieur général des eudistes note à ce propos que, dans le Catéchisme de l’Église Catholique, les deux citations de Eudes (§ 521 et 1698) parlent de cette « vie intense de Jésus-Christ dans tous ses membres », c’est-à-dire les chrétiens.
Une spiritualité du cœur : « La continuation de l’amour du Christ est manifestée dans son cœur qui se continue dans la miséricorde que les chrétiens peuvent donner autour d’eux.Et le cœur de Marie est uni à celui de son fils [NDLR : l’autre nom des eudistes est la « Congrégation de Jésus et Marie »], comme une parabole de ce que nous sommes appelés à devenir : un seul cœur. »
L’importance de la vocation du prêtre : elle explique l’attachement de Jean Eudes à la bonne formation des séminaristes. Pour lui, « les prêtres continuent la vie pastorale de Jésus » auprès des paroissiens.
Avec la cause du doctorat de saint Jean Eudes, souligne encore le Père Amouriaux, « il ne s’agit pas de glorifier les eudistes, mais de permettre aux chrétiens de mieux se nourrir de son enseignement ».
Baptiste Protais
(article paru dans la newletter Urbi et Orbi du 18 août 2017 du journal La Croix)